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JULIE LE MINOR
LA NEW BEAT DE NICOLAS DI FELICE
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From the Wet issue

Déambulations dans le Plat Pays du clubbing et l’imaginaire noctambule du directeur artistique de la Maison Courrèges.

Nicolas di Felice fait partie de ces talents singuliers et généreux qui cultivent l’art du contraste. Une vision chiaroscuro, un savant mélange de brio et de pudeur, de rigueur et de liberté qui infusent ses créations depuis qu’il a rejoint en 2020 la Maison parisienne fondée par André Courrèges. Pour ce numéro Wet, le créateur, qui présidera également la 39e édition du Festival de Hyères, se confie sur son enfance belge baignée de culture club, sa vision de
la fête et de la nuit tout en précisant :
“Je trouve essentiellement l’inspiration le jour.”

À QUATRE ANS, JE ME SOUVIENS DANSER SUR “THE SOUND OF C”, LA CHANSON PHARE DES CONFETTI’S.

Que t'évoque le thème de ce numéro et sa résonance clubbing ?

Comme de nombreux belges, j'ai grandi dans les clubs et bien que la nuit n’ait jamais été une réelle source de création pour mes collections, il existe un lien naturel entre la musique, la nuit et ma personnalité. Cela fait partie de mon histoire. Je m’intéresse au contraste, je pars beaucoup d’inspirations decontextualisées. J’aime l’idée de faire entrer un blouson en cuir dans un salon Courrèges. C’est dans cette tension entre des choses apparemment opposées que naît la beauté.

Tu as grandi dans un petit village de la campagne belge, près de Charleroi. Dès ton enfance, la musique et la culture club font partie intégrante de ton quotidien.

En Belgique, la culture club était très infusée dans la société. La nightlife était déjà mainstream. La New Beat, un genre de musique électro né à la fin des années 80 dans des clubs comme le Cherry Moon, faisait partie de notre vie. À quatre ans, je me souviens danser sur “The Sound Of C”, la chanson phare des Confetti’s, le groupe New Beat le plus célèbre. Nos looks s’inspiraient déjà de cet univers : on collectionnait les badges Acid, on portait des tee-shirts et des jeans délavés taille haute, les cheveux plaqués en l’air.

Ton style se fait aussi à travers la culture MTV et les clips des années 90 avec lequels tu grandis.

Je regardais des clips et des émissions de variété qui étaient tournés dans le club juste à côté de chez moi, le Palladium. Une sorte de “Top of the Pop” à la belge. On passait de la New Beat à des enfants pop-stars, sans transition. C’était éclectique et premier degré à la fois. Je me souviens aussi du clip “Cryin’” d’Aerosmith avec l’actrice Alicia Silverstone (Clueless). Dans les années 90, les plus grands réalisateurs et photographes réalisaient des clips sublimes.

Les clips de ton enfance et les paysages des clubs belges sont bien loin de l’esthétique de la nuit parisienne.

J’ai grandi au milieu des champs. Soudain, au bout de la route, tu découvrais les clubs. Quand tu es petit, c’est magique. Je me souviens de leurs devantures dingues, des néons et des faisceaux lumineux. Il y avait aussi des maisons closes avec une architecture postmodernes. Je trouvais ces femmes hyper belles, très différentes de ce que je connaissais. C’était une fenêtre sur l’ailleurs ; comme un monde qui s’ouvrait à moi, qui ressemblait à la télé, à l’Amérique.

Aujourd’hui, cela a beaucoup changé ?

Quand je retourne chez moi, je demande à mon père de s’arrêter. Le Palladium a fermé, mais il y a encore les bars. À la tombée de la nuit, c’est magnifique de voir ces champs, ces arbres et ces néons qui découpent l’espace.

Aujourd’hui, on retrouve le logo Courrèges sur de nombreux dancefloors, notamment lors des aftershows mémorables que vous organisez durant la Fashion Week.

La Maison Courrèges m’a donné l’opportunité de faire des aftershows très librement. Je me suis entourée d’amis proches, à l’instar d’Anna Dotigny ou d’Allegria Torassa, à qui l’on doit les fameuses soirées Ciciollina. On a toujours été sincères et vrais, c’est ce qui a fait le succès de nos soirées je pense.

La nuit permet plus de latitudes pour s’exprimer, que l’on parle de vêtement, d’identité, d’appartenance ou de désir.

Quelle est ta vision d’une fête réussie ?

Je reviens de Shanghai, ça bouge tellement, c’est dingue ! On est allé dans un micro-club de 60m2 avec un système son sublimissime. Le principal, c’est de proposer des line-ups surprenantes, des artistes qui font sens. Quand j’ai découvert les fêtes d’Anna à Paris, cela a été une révélation. C’était très éclectique, on prenait plaisir à se rassembler pour écouter de la bonne musique. Je me souviens de fêtes au bois de Vincennes où j’ai fait mon second défilé, c’est là où j’ai embrassé mon copain pour la première fois.

La nuit, qu’est-ce qui captive ton regard de créateur ?

Des gens en quête de liberté. La nuit permet plus de latitudes pour s’exprimer, que l’on parle de vêtement, d’identité, d’appartenance ou de désir.
Comme un exutoire. Cela peut-être des personnalités, des audaces, des cheveux défaits ou un certain lâcher-prise.
Et beaucoup de sincérité. Ce qui est beau finalement, c’est lorsque cela raconte une histoire.

En octobre prochain, tu présideras le 39e Festival international de mode, de photographie et d’accessoires à la Villa Noailles.

Oui, c’est un festival iconique et un lieu mythique où se mêlent une pluralité d’arts et de créations. Le jury qui m’entoure est composé de gens très précieux pour moi : mes meilleurs amis, Marine Brutti, cofondatrice du collectif La Horde, et l’artiste Théo Mercier. Mais aussi les directeurs de casting Piergiorgio Del Moro et Samuel Ellis, ma styliste Marie Chaix, Julia Sarr-Jamois, directrice mode du Vogue britannique, sans oublier Hari Nef que je trouve fascinante. Je pense que l’on va bien s’amuser.

Photographer
Interview by
JULIE LE MINOR
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Magazine n°22